Derniers tangos chez Air France

hop-avion-volLes violences du 5 octobre chez Air France ne sont pas une première. L’histoire du transport aérien est ponctuée de conflits qui se cristallisent toujours autour des pilotes. L’allemand Lufthansa en est à sa 13e grève des pilotes depuis avril 2014.

British Airways et sa filiale Iberia ont essuyé également de très violents conflits, avant d’arracher un effort de productivité de 20 % des pilotes d’Iberia.

Car le transport aérien est au cœur d’un bouleversement considérable dans un secteur bien plus sensible à la mondialisation que le train ou l’automobile. Cela a eu un effet positif, la croissance phénoménale du trafic (un milliard de passagers en 1990, plus de 3 milliards en 2015) et une conséquence négative, l’arrivée de nouveaux acteurs.

Ceux-ci ont fixé de nouvelles règles en matière de prix correspondant à des coûts bien plus légers. Un siège en seconde classe coûte deux fois plus cher à Air France qu’à EasyJet. Comme le prix du billet doit s’aligner, ce sont des pertes qui s’affichent à l’arrivée. Sans compter les compagnies du Golfe et des pays émergents qui ont écrémé les marges sur les vols longue distance.

Les compagnies traditionnelles ont tardé à réagir. Après Pan Am puis TWA dans les années 1990 et 2000, Swissair, Sabena, Iberia, Alitalia ont disparu ou perdu leur indépendance en Europe. L’heure de vérité et peut-être du crash approche donc pour Air France.

Car ses résultats sont en décalage notable avec ses deux derniers concurrents européens, IAG (British Airways-Iberia) et Lufthansa. Malgré une année exceptionnelle dans le transport aérien, au seul premier semestre de cette année, Air France KLM affiche une perte de 232 millions d’euros, contre un bénéfice de près de 550 millions pour le britannique et presque autant pour l’allemand.

La dette enfle (5 milliards !) et la crise de liquidités se profile. Supprimer les lignes non rentables et couper dans les frais de personnel qui représentent le tiers des coûts, devient inévitable.

L’entreprise est d’autant plus affaiblie qu’à la différence de ses concurrents européens comme Lufthansa ou British Airways, elle n’a pas profité des bonnes années pour améliorer sa compétitivité. Aujourd’hui, les coûts d’Air France sont, selon sa direction, supérieurs de 20 % à 25 % à ceux de ses rivales du Vieux continent.

Pour Alexandre de Juniac, nommé PDG du groupe Air France-KLM fin 2011, pas question de cacher les difficultés financières de la compagnie quand il en prend les commandes et quand il met fin à la cogestion historique avec les syndicats. Ce sera alors le lancement des plans Transform entre 2012 et 2015, et aujourd’hui Perform jusqu’en 2020.

Toutes les catégories de personnels sont cette fois concernées, avec des objectifs d’amélioration de compétitivité à tenir. Une première dans l’histoire de la compagnie. Si les personnels au sol et les navigants (hôtesses et stewards) tiennent leurs engagements, les pilotes en sont loin. Alors on danse les derniers tangos

Surtout le tango nuevo, dans lequel les deux partenaires forment une étreinte souple et élastique et le tango canyengue, dans lequel les danseurs miment une danse de séduction en tournant l’un autour de l’autre…

D’après P.Escande et D.Gallois, Le Monde octobre 2015
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1 réponse à Derniers tangos chez Air France

  1. Jean-Marc Fouché dit :

    Les compagnies nationales, pour des raisons de gestion et de lourdeur administrative, ne peuvent offrir des tarifs aussi concurrentiels que les compagnies à bas coût. Il faut, impérativement, remettre la situation actuelle complètement à plat, avec un effort considérable de tous les personnels. C’est, désormais, une question de survie. Une solution, parmi d’autres, pourrait consister à céder 20% d’Air France à une compagnie des émirats et, parallèlement, de vendre KLM.

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