Au cœur de ce qu’il faut bien appeler un naufrage, il y a l’illusion qui consiste à croire et à faire croire que le meilleur moyen de réformer la France est de parvenir à un consensus pour chaque grande réforme, qu’elle soit politique (réforme territoriale, constitution), économique (35h, flexibilité), sociale (droit du travail) ou sociétale (fin de vie, ouverture des magasins le dimanche) etc.
Le consensus en satisfaisant tout le monde et en évitant les conflits, rendrait possible et légitimerait toutes les réformes. Ce serait le Graal des temps modernes, la pierre philosophale, la lampe d’Aladin, la pierre noire des Touaregs ou mieux l’anneau magique du Seigneur des Anneaux…
On peut évidemment rêver d’un monde plus intelligent, moins troublé, plus apaisé dans lequel la vie des Français s’écoulerait heureuse et sereine, de consensus en consensus, chacun au fil des réformes, obtenant toujours plus d’avantages. La belle histoire ! Le bonheur serait dans le pré au milieu des vaches, avec un copain d’enfance, le consensus.
Mais la réalité n’est pas celle-là. Car en France encore moins qu’ailleurs, l’intérêt de chacun ne fait pas l’intérêt de tous et une réforme dans laquelle tout le monde gagne ne peut pas être une réforme.
Si demain, un patron d’entreprise est obligé de faire un virage stratégique douloureux, pourra t-il vraiment rechercher le consensus ? Si de Gaulle en 1959 avait recherché un consensus qui pouvait satisfaire toutes les parties, qu’aurait il obtenu ? Et l’on sait où nous a mené la recherche du consensus à tout prix, avec Hitler en 1938 à Munich.
Réformer consiste à modifier les équilibres existants, à bousculer les situations acquises, pour créer un nouvel équilibre plus favorable pour la collectivité avec des gagnants et des perdants. La loi El Khomri par exemple, visait à faciliter les conditions d’embauche et de licenciement, pour les personnes éloignées du marché du travail (les 20% de jeunes sans diplôme, les gagnants), mais en limitant en contrepartie la protection des diplômés ayant accès à l’emploi, les perdants.
Lorsqu’il engage une réforme importante, le leader doit convaincre l’opinion que l’intérêt général ne peut pas se résumer à la préservation des positions acquises. L’exercice est délicat parce que les forces sont déséquilibrées : les gagnants de la réforme sont souvent peu organisés et peinent à faire entendre leur voix, mais de leur côté les perdants sont prompts à se mobiliser, en invoquant… l’intérêt général.
Quand les étudiants en France se mobilisent contre la loi El Khomri, ils le font nous disent-ils, pas pour eux-mêmes mais pour le bien des autres, pour préserver des intérêts supérieurs, tels que le “modèle français”, la sécurité, la qualité ou la santé publique. En réalité, ils inversent les rôles et transforment la préservation de leurs intérêts en défense de l’intérêt général. Ce que savent parfaitement faire les syndicats en France (6% des salariés)
Il faut retrouver la réalité et le courage politique, il faut sortir de l’illusion du consensus, il faut dire clairement avant chaque réforme qu’il y aura des perdants et des gagnants, il faut démontrer qu’il y aura plus de gagnants que de perdants, et que c’est exactement cela qu’on appelle l’intérêt général.
Il faut changer radicalement de philosophie politique. Plutôt que rechercher le consensus à tout prix, il faut au contraire faire confronter les idées. Il faut, pour réformer vraiment, accepter les conflits, les assumer, les voir comme un moyen de clarification et de dynamisation. Il faut aller au-devant des conflits en s’y préparant et en préparant l’opinion.
Et il faut comme en Suisse et en Italie, utiliser plus souvent le référendum, car c’est le seul moyen de déverrouiller une société bloquée, le référendum étant l’arbitre incontestable de l’intérêt général. En France, beaucoup de référendums sont possibles (référendum législatif, constituant, décisionnel local, d’initiative partagée) et le Conseil constitutionnel ne peut pas contrôler une loi approuvée par référendum.
Les Français reprendront alors confiance dans la politique, dans les hommes politiques et dans l’avenir.
Dans la majorité des cas, le consensus ne mène nulle part, en effet. Les grands réformateurs, sans pour autant être des dictateurs, ont eu le courage de faire passer leurs idées par leur pouvoir de conviction. Mais, pour ce faire, il faut un homme charismatique à la tête de l’état.
Un exemple particulièrement frappant est celui de l’ancien maire de New-York, Rudolph Giulani. Il a remis sa ville en ordre. New-York est, aujourd’hui, l’une des villes les plus sûres du monde, soit l’opposé de ce qu’elle était avant son arrivée.
On a trop tendance à oublier que, dans la majorité des cas, les lois existent déjà. Encore faut-il avoir le courage de les appliquer…
Je partage tout à fait cette analyse. Hollande est un mou qui a toujours été l’homme du consensus et de la synthèse au PS. Ainsi il avance à coup de réformes homéopathiques qui n’ont de réformes que le nom et qui sont en fait des coquilles vides. Par ailleurs l’Unef est un syndicat à gauche de la gauche qui ne représente que lui-même vu le nombre d’adhérents par rapport à la population étudiante totale.
Il nous faudrait en France une Angela Merkel ou un Mateo Renzi, mais on en a pas. Quant à nos syndicats, émiettés et peu représentatifs, ils en sont encore à la lutte des classes avec une culture du conflit et de la grève. C’est désespérant.
Les Français feraient bien de voyager à l’étranger pour se rendre compte de la réalité du monde qui nous entoure.