Méditer à Berlin sur la chute du mur

9h11 : L’A318 commence sa descente vers Berlin. Les éoliennes vues du ciel, ressemblent à des sentinelles qui veillent sur la ville. Je songe à cet après-midi d’octobre 1806, quand les corps d’armée de Napoléon en grandes tenues, précédés par les mameluks et au son de la marche consulaire, entrèrent dans la ville par la Charlottenburg, sous les acclamations d’une foule immense. La curiosité et l’admiration avaient pris le pas sur la tristesse et l’amertume, après la déroute prussienne à Iéna.

Est-ce dû au nombre incroyable d’espaces verts, à ses forêts, à ses lacs, à ses 59 “villages”, à ses audaces architecturales, à sa douceur de vivre, à son histoire tragique ? Nous trouvons Berlin formidablement propice à la réflexion et à la méditation. C’est peut-être ce qui explique pourquoi le Nobel de littérature et le Goncourt 2009 vivent toutes les deux à Berlin.

15h : Devant le fameux checkpoint charlie, le point de passage qui était réservé aux occidentaux non allemands, je me dis que le 9 novembre 89 au matin, le mur paraissait être cimenté pour l’éternité mais qu’en réalité toutes les conditions de sa désintégration étaient réunies (incessantes manifestations à Berlin-Est, décomposition du bloc soviétique etc.) ; À minuit tous les postes étaient grand ouverts.

Et je pense au grand violoncelliste Rostropovitch qui joua le 11 novembre ici même “la suite pour violoncelle de Bach” pour encourager ceux qui, tous âges confondus, se relayaient pour démanteler le mur. Les passants prenant le maestro pour un mendiant, lui jetaient des pièces. Il y a toujours plus de choses que l’on croit derrière les apparences…

18h30 : En remontant au milieu d’une foule enthousiaste la Unter den linden (l’avenue des tilleuls) vers la porte de Brandebourg où vont se dérouler les commémorations des 20 ans de la chute du mur, nous méditons sur la lucidité de ceux qui ont tout de suite compris ce qui se passait dans la nuit du samedi 13 août 61 et qui sont passés à l’Ouest pendant qu’il était temps, quand le mur n’était encore qu’un muret, et sur tous ceux qui se sont inventé des arguments de confort pour ne pas se faire peur (ce ne doit pas être si grave que ça, tout va s’arranger, restons zen, attendons et positivons…) et qui se sont faits emmurer pendant 28 ans.

Exactement comme ceux qui, menacés par le nazisme, ne se décidèrent pas à quitter l’Allemagne dans les années 30. Rien ne remplace la lucidité. Camus toujours… Mais nous, qu’aurions-nous fait ? me demande Martine.

20h15 : Il fait un froid de russe sur la Pariser platz trempée par la pluie. Angela est très applaudie. Sur l’écran géant je trouve qu’elle a des yeux d’enfant. Mais sa devise n’est pas celle d’une enfant “Se laisser toujours sous-estimer” Encore les apparences… “Fünf, vier, drei, zwei, ein, null” les 1.000 dominos décorés s’écroulent les uns sur les autres, comme un château de cartes.

Je songe à la lucidité de De Gaulle “La Russie boira le communisme, comme le buvard boit l’encre” disait-il. Bien vu Charles. Heureusement un air traditionnel Berliner luft (l’air de Berlin) repris par tous “à l’allemande”, vient nous sauver du froid. Il est temps d’aller se réchauffer autour d’une berliner weisse (bière blanche) dans les quartiers est. Vive la musique !

Partagez sur :
Ce contenu a été publié dans Coin Philo, avec comme mot(s)-clé(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Méditer à Berlin sur la chute du mur

  1. Mondi dit :

    Bien avant la chute du mur, un ami allemand de l’ouest me disait : La réunification nous coûterait un tiers de nos salaires ! A quoi bon. Ce à quoi je lui rétorquais : Cela vaut ce prix et d’ajouter : allez voir tout ce qu’il y a à faire là-bas. Il ne pouvait pas y aller. Moi, oui, étant français. Je suis allé de très nombreuses fois de l’autre côté, à Berlin et aussi à Leipzig , pour la foire. Professionnellement.
    Passage obligé: le check point Charlie. Une fois autorisé (en moyenne 1 h d’attente), quelque cent mètres à pieds, avant de prendre un taxi.
    On passait devant quelques magasins, dont un d’habillement où l’on pouvait à peine distinguer, dans une vitrine sale, un pyjama, le même durant trois ans, le reste, du même goût. Une misère appelée communisme !! Je crois me rappeler mon dernier passage en 87, j’y reviendrai, avec une anecdote croustillante.

  2. Renate dit :

    Ce que tu as vu en « live » je l’ai vu avec une certaine émotion à la télévision allemande. J’étais une fois à Berlin lorsque le mur existait encore, il y a longtemps. Je suis même allée à Berlin-Est où j’ai rendu visite à une dame âgée à qui j’ai amené des cigarettes. Elle ne fumait pas, mais ces cigarettes lui servaient à dédommager quelques personnes qui l’aidaient à faire de petits travaux chez elle. J’ai pu voir ces énormes monuments qui m’opprimaient et qui s’étaient ancrés dans ma tête comme une menace.

    Angela vient de l’est et elle sait exactement ce que ses compatriotes ont pu ressentir en voyant le mur s’effondrer. Je l’aime beaucoup et je suis d’accord avec toi, elle a des yeux d’enfant, mais elle sait ce qu’elle veut et son semblant de naïveté n’est qu’apparence. Il y a des messieurs en Allemagne qui n’aiment pas beaucoup sa façon de se vêtir. Ils préfèrent la voir en jupe ! J’ai eu une grande discussion à ce sujet dernièrement à Munich. Peut-être pourrait-elle s’habiller en mieux, mais c’est sa liberté à elle. Et si elle s’obstine à paraître comme elle l’entend, c’est aussi qu’elle a du caractère, ce qu’il faut pour une femme d’état, n’est-ce pas ?

Répondre à Renate Annuler la réponse.