Pensée positive et présidentielle

La pensée positive appliquée systématiquement et sans discernement aboutit le plus souvent à des illusions et à des impasses¹. Mais l’élection présidentielle nous donne pour une fois, une excellente occasion de l’appliquer et d’en tirer le meilleur.

Question : Face à une défaite annoncée ou effective d’un candidat, quel travail sur soi devrait faire le partisan de ce candidat, s’il ne veut pas tomber dans la déception, la colère et la frustration qui sont les armes du diable et qui ne peuvent, ni apporter de solution, ni aider à mieux vivre.

Ce partisan, ce militant, peut d’abord songer à Épictète : “Si tu veux vivre libre et heureux, sans illusion puérile, partage toujours les choses entre ce qui ne dépend pas de toi et ce qui dépend de toi” ; Il peut aussi revenir à Sénèque : “Le sage ne cherche pas à changer ce qui est impossible à changer. Il accepte le vent du nord ou du sud, de l’est ou de l’ouest, tout en l’utilisant et s’en protégeant”

Il peut surtout faire l’effort de rechercher tous les avantages de la victoire d’un autre camp. Voici par exemple, les avantages que pourrait trouver un partisan de Nicolas Sarkozy dans la victoire de François Hollande.

Il pourrait d’abord se dire qu’au fond, c’est mieux pour Nicolas Sarkozy lui-même, car au vu de son visage marqué par les épreuves, on peut se demander s’il aurait pu se battre encore cinq années avec autant d’énergie. Physiquement que serait-il devenu dans cinq ans ? C’est sans doute mieux aussi pour son épouse et ses enfants. Qu’en dit Giulia ?

Il pourrait aussi se dire qu’avec une assemblée qui a toutes les chances d’être à gauche, la victoire de François Hollande permet au pays d’éviter une cohabitation qui aurait été face aux décisions difficiles à prendre, la plus périlleuse des situations. Cette cohabitation aurait été beaucoup plus difficile que les cohabitations que nous avons connues car le Sénat est aujourd’hui à gauche. Ajoutée à une cohabitation avec les régions qui sont majoritairement de gauche et il y avait là un scénario d’épuisement pour un président de droite, scénario qui est toujours le pire en termes stratégiques.

Ce partisan, ce militant pourrait encore se dire que ce pays fantasque a régulièrement besoin d’être rappelé aux réalités et que le meilleur moyen d’y parvenir, c’est de le purger de ses illusions à intervalles réguliers, exactement comme ont dû le faire De Gaulle en 1962 (abandon de l’Algérie et nouvelle constitution) et Mitterrand en 1983, deux ans après son élection (dévaluation et plan de rigueur)

Il pourrait continuer en se disant que la meilleure façon d’assurer le retour de la droite en 2017 c’est de repasser la patate chaude à François Hollande maintenant, car celui-ci va hériter d’une situation extrêmement complexe et difficile, voire dantesque, tant sur le plan économique (dette, perte d’un autre A, compétitivité…) que politique (concilier PS, Verts, Front de gauche…) ; Et qu’il faut parfois savoir se replier pour revenir en force. Il pourrait se dire aussi que Sarkozy aura en 2017, trois ans de moins que Mitterrand en 1981 et huit ans de moins que Chirac en 2002.

Il pourrait aller encore plus loin et se convaincre qu’une défaite de Nicolas Sarkozy aurait l’avantage de pousser l’ancien président à briguer un poste clé au sein de l’Europe, au moment où tous les européens convaincus souhaitent une intégration et un leadership plus forts.

Il pourrait enfin se dire qu’il n’est pas sain d’accumuler les frustrations dans une bonne moitié du pays, puisque sur les six présidents de la 5° république, un seul a été de gauche et que de toutes façons, le changement même s’il dérange, apporte souvent plus d’avantages qu’on ne le voit et qu’on ne le croit.

Quant à un partisan de François Hollande, il pourrait en cas de défaite de son champion, se convaincre que Nicolas Sarkozy a au moins trois avantages : une bonne expérience des crises internationales et des compromis européens, la capacité à faire les réformes les plus impopulaires puisqu’il ne pourrait pas briguer un troisième mandat et surtout la capacité à résister aux syndicats et à la rue.

Alors au soir du 6 mai, bienvenue à la pensée positive, vainqueur par KO au 2°round ! “Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement” disait San Antonio…

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4 réponses à Pensée positive et présidentielle

  1. VIALLE Guy dit :

    Et si le peuple français déjouait tous les pronostics médiatiques qui portent Hollande à l’Élysée… Jospin ne s’y voyait-il pas déjà en 2002, les pronostics lui étaient pourtant largement favorables. En 2011 était-il nécessaire de faire tant de dépenses pour organiser des élections alors que DSK remonterait vers le Panthéon juché sur un bouclier porté par ses supporters musclés ?
    La messe ne sera dite que le 6 mai au soir.
    D’ici là, que chaque citoyen prépare la monnaie car avec le déni généralisé observé pendant la campagne sur l’origine de la dette et sur la nécessité de la réduire, ce n’est pas de très bon augure pour nos économies.
    Henry, bravo pour cette lettre oh combien pertinente.

  2. Pardigon dit :

    Ami d’Henry et donc ami tout court… tes propos marqués au coin du bon sens me plaisent beaucoup dans l’abstrait mais pour ce qui concerne l’évolution de l’opinion (le plancher des vaches, des veaux dirait De Gaulle) je n’y crois pas une seconde. J’ai la triste impression que l’ambiance de notre monde évolue sur un fil imaginaire tendu entre la recherche du bouc émissaire et la jalousie de l’autre (pas parce qu’il “est” plus mais parce qu’il “a” plus). Le niveau est vraiment bas. Je te donne la recette d’un cocktail que je mets au point depuis quelques jours pour me retaper la santé: le soir en rentrant, un bon verre de vin allongé de Gracian et Unamuno, deux valeurs sûres de l’Espagne sûrement pas en crise à cause de son passé.
    Roland

  3. Pardigon dit :

    Ce “coming out” me convient tout à fait à une désillusion près… Epictète et Sénèque me seront bien utiles… sans pour autant parvenir à “changer mes idées plutôt que l’ordre du monde” (Descartes). En langage réaliste, je dirais que je me ferai à l’idée que je me ferai de la situation qui va se présenter. Sur le fond, dois-je avouer quitte à passer pour primaire que le fait d’assister à la chute gravitaire du pouvoir vers un mec qui n’a rien fait m’attriste; Mon pays mérite-t-il ce brouet ? Revoir surgir tous ces mecs juste un peu sectaires pour certains tels Peillon, Ayrault, Fabius, Moscovici, Aubry, Royal etc me gonfle d’avance. Si j’avais la fortune que je mérite tant, je me laisserais aller à “la tentation de Venise” (sans Juppé merci) et basta per oggi ! Un voeu pour conclure : qu’ Angela ne baisse pas la garde! … Sont-ce les prémices des bienfaits d’Epictète qui m’atteignent: “civis romanus sum” se traduirait en: “ich bin Deutscher”? Marc-Aurèle, au secours ! Henry, si tu m’en crois, il est urgent de consulter une bonne bouteille et même plusieurs autres avis.
    Roland

  4. Herail dit :

    J’ai adoré ton analyse à quelques jours de cette présidentielle. Il faudrait l’envoyer à tous les hommes candidats et à tous les électeurs comme lettre au peuple de France !

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