Une société du soin ! Voilà ce que propose le PS aux Français. Une société de la douceur, de la sollicitude, de la bienveillance, faite d’assistanat, de compassion et de bons sentiments. Dans la société du soin, vieille lubie moralisante et féminisante des années 80 (Carol Gilligan), la société prendra soin de vous et vous aidera à réussir votre vie. Et chacun aura le souci (l’obligation ?) de s’occuper du bien-être des autres.
Viendra alors le temps d’un cocooning douillet, sous l’aile protectrice d’un État qui garantira le bien-être pour tous. Nous entrerons d’un même pas dans la société du bonheur. Et danserons le Big Bisou en nous tenant tous par les épaules. “Approchez, approchez, chantait Carlos. On va danser le Big Bisou. Big Bisou en anglais, ça veut dire gros baiser. Quand je vous le dirai, donnez-vous un baiser moelleux à l’endroit que je vous indiquerai. Encore, encore, encore… ”
Après “La nouvelle société” de 1969, après le “Changer la vie” de 1981, on nous refait le coup du projet-fantasme, du projet coupé du réel. Car sur les moyens concrets de parvenir à ce paradis, pas un mot : Rien sur l’exigence de compétition et la compétitivité, rien sur la mondialisation, rien sur la dette, rien sur les agriculteurs, rien sur la violence, rien sur tout, puisque tout sera juste et bon.
Ce projet est dangereux. Car il va renforcer le clivage entre ceux qui souhaitent se couler dans l’assistanat et ceux qui le refusent absolument et de ce point de vue, créer une nouvelle forme d’inégalité. Ce projet est aussi dangereux, car on a tôt fait de définir ce dont les gens ont besoin pour réussir leur vie. Pire, quelle estime d’eux-mêmes peuvent avoir des gens qui vivent dans une société du soin ? Quant à la bienveillance vis à vis des autres, elle provient le plus souvent d’un équilibre et d’une paix intérieure, que l’on appelle le bonheur. Et le bonheur est une construction et un cheminement personnel, pas une affaire d’État.
Ce qui compte dans la société qui est la nôtre aujourd’hui, c’est la capacité de chacun à agir, à faire des choix en toute autonomie, à prendre ses responsabilités, à prendre des risques, à forger une estime de soi qui soit la plus forte possible pour mieux résister aux épreuves. Ce qui compte, c’est devenir qui l’on est vraiment comme le pensait Nietzsche et oser être soi-même à fond comme le conseillait Heidegger.
C’est aussi l’équilibre émotionnel, la résistance au stress et la capacité à surmonter les échecs, qui sont toutes des capacités individuelles, que l’on peut toujours renforcer grâce à un travail sur soi. Quitte bien entendu, à aider ceux qui n’y arrivent pas. C’est ce que l’on appelle la solidarité, mais la solidarité n’a rien à voir avec le soin. Et le bénévolat qui marche très fort actuellement, n’a pas attendu la société du soin pour exister.
Si les Français avalent “la société du soin” cette potion douceâtre, ce sera à désespérer car le déni de réalité ne mène nulle part. Pour Jean Jaurès, mentor des socialistes, il faut rêver en partant du réel. C’est la différence entre un rêve et un fantasme. Il faut refuser “La société du soin” et entrer avec entrain dans la société du “Yes I can !”
Publié dans Le Monde magazine n°39 (Big Bisou)
Allez ! J’ose l’écrire : Malheureux les assistés, car aux nouvelles exigences de la société, ils vont enfin devoir s’adapter !
Yes I want it, yes I can !
Félicitations pour ce texte “Yes, I can”. Il est affligeant de voir et d’écouter tant de gens intelligents s’adonner à une telle démagogie sociale. C’est un projet pour réussir surtout sa MORT.
Ton texte me fait penser à cette maxime : “Ne me donnez pas à boire, donnez la soif”. Avec le projet socialiste, il s’agit de doper l’assistanat trop largement développé.
J’ai souvenir d’une leçon d’un guide indien alors que je visitais le Rajasthan avec mon fils. La misère est visible et parfois insupportable avec nos yeux d’occidentaux.
Il nous avait dissuadés de donner de l’argent à des jeunes qui faisaient la manche en nous précisant que c’était un encouragement à perfectionner ce mode de subsistance mais pas à devenir des hommes dignes. A la réflexion, je pense qu’il avait raison car ce n’est pas une façon de contribuer à la société ni de progresser dans l’estime de soi.
Mais je risque une question provocatrice : Nos amis chrétiens, de bonne foi ou non, ne souscriraient-ils pas trop facilement aux orientations socialistes en occultant les vertus du principe “Aide-toi, le ciel t’aidera”. Aujourd’hui, c’est le ciel t’aidera de toute façon car la société ne le sait pas, mais elle est coupable de ta situation et de tes “malheurs”.
Un jour je t’avais dit qu’en politique il me semblait qu’il fallait un peu d’utopie mais certainement pas ces fantasmes anesthésiants du toujours plus de béquilles pour les biens portant et de cannes blanches pour les aveugles.