Après la maîtrise de sa respiration (cf. “Vaincre son émotivité“), la première chose à faire pour contrôler ses émotions est de reconnaître et de nommer exactement dans le détail ce que l’on ressent, au moment où on le ressent.
Surtout pour les émotions négatives (colère, peur, tristesse, dégoût, jalousie, déception, honte…) qui sont toujours plus difficiles à contrôler. Car malgré tous nos efforts, nous n’avons aucune chance de maîtriser quelque chose qui n’est pas exprimé et qui reste vague et flou.
Par exemple, dans les actions de médiation entre des jeunes qui se sont “embrouillés”, on commence toujours par faire un bilan des ressentis (qu’as-tu ressenti exactement quand il t’a dit ça ?) ; Et dans les nouvelles thérapies à distance (web-thérapies), des patients qui ont subi des traumatismes sévères (prise d’otage, viol, blessure de guerre…) décrivent dans le détail, par mail, ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils ont ressenti.
Mais certains n’ont pas de mot pour traduire leurs émotions parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils ressentent, comme cette jeune cambodgienne retrouvée en 2007 après dix-huit ans passés seule dans la jungle, qui ne savait plus parler et qui ne pouvait plus exprimer d’émotion.
L’alexithymique n’a pas de mot pour traduire ses sentiments parce qu’il est incapable de connaître leur nature. Il ne sait pas ce qu’il ressent et cela entraîne une confusion permanente entre ses douleurs affectives et ses douleurs physiques. On dit qu’il somatise. Car notre corps ne ment jamais (lui) et ce que l’on ne peut pas traduire en mots se traduit toujours en maux.
Les gens déprimés trop tournés vers eux-mêmes, qui n’ont plus ni désir, ni plaisir, sont incapables de parler de leur tristesse, de leur mélancolie, de leur lassitude. Ils ne parviennent pas à identifier leurs sentiments, deviennent irritables et nerveux et sont de plus en plus fatigués et dépressifs.
Et tant que l’on est incapable d’identifier ses émotions, on ne peut pas en parler et on est incapable de comprendre les émotions des autres, en premier lieu celles des enfants et des ados. La communication et les relations sont plus difficiles en famille, au travail, les conflits plus nombreux.
Au contraire, quand on identifie précisément ce que l’on ressent, on peut mieux en parler, on peut remonter aux sources de l’émotion et repérer l’émotion cachée derrière celle qui est visible (comme la jalousie derrière la colère ou la frustration derrière l’agressivité) ; On peut même visualiser l’émotion sur une échelle imaginaire pour mieux la contrôler. Et on peut ainsi trouver la réponse la mieux adaptée.
Voici un moyen simple pour identifier ce que l’on ressent. Se parler en étant le plus précis possible et en commençant ses phrases par “Je” sans détour, sans prendre de gant et en exagérant : “Qu’est-ce qui m’arrive exactement ?”, “Je suis d’une humeur massacrante. Tout le monde m’exaspère, j’en ai des picotements dans le dos et dans les mains”, “Je suis terriblement jaloux en ce moment, cela me rend à la fois très agressif et très triste”
Mais il faut aussi prendre conscience des pensées qui sont associées aux émotions, par exemple “Je suis très énervée quand je suis coincée dans un embouteillage parce que j’ai le sentiment d’être inutile, de perdre mon temps, d’augmenter la pollution, de fatiguer ma voiture, de m’ankyloser, de prendre du poids” ou encore “Pépère m’exaspère parce qu’il recherche trop le consensus, louvoie en permanence, ne tranche pas entre les courants du PS, ne dit jamais oui ou non, ne décide pas assez vite… ”
Et nommer exactement ce que l’on ressent permet de passer d’un état d’âme vague comme “J’ai pas le moral” à quelque chose de mieux maîtrisable comme : “Je suis contrarié, énervé, fou de rage, jaloux, en colère, triste, déçu… parce que… ” ; Il faut décrire précisément ses émotions et les pensées qui leur sont associées, si l’on veut mieux les contrôler.