Lyon, ses traboules, sa Fête des lumières, son Musée des Confluences… et ses 60.000 chats errants. Le 1er février, la métropole a annoncé le lancement d’une vaste campagne de stérilisation des félins en liberté. Leur prolifération insupporte une partie des administrés, mais surtout a un impact catastrophique sur la biodiversité. Un couple de chats peut engendrer 20.000 individus en quatre ans. D’autres villes ont dû prendre des mesures analogues, comme Lorient, les îles de Bréhat, Molène, Ouessant et Sein.
Mathieu Rebeaud est biologiste à Lausanne. Si le Suisse de 37 ans adore ses deux chats, il reconnaît que l’espèce pose d’autres problèmes que laminer les plantes ou les canapés. “C’est un fléau écologique, on les a trop fait croître. Il faut les stériliser et les empêcher de sortir, car ce sont des super prédateurs” ; Les chiffres donnent en effet le vertige.
On estime ainsi que les seuls chats errants à travers le monde sont responsables, sur les cinq cents dernières années, de la disparition de 63 espèces de mammifères, de reptiles et d’oiseaux. Les chats domestiques, eux (environ 600 millions dans le monde), tuent entre 1,4 et 3,7 milliards d’oiseaux par an et entre 6,9 et 20,7 milliards de petits mammifères rien qu’aux Etats-Unis. En France, le nombre de passereaux dans les campagnes a diminué d’un tiers, et une étude de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), en 2016, a montré que les chats étaient responsables à 25 % de cette mortalité.
En passant près de douze heures par jour à la recherche de ses proies, un chat errant ferait 1.000 victimes par an, contre 30 pour un matou domestique. “Quand nous avons abordé la question du chat et de son impact sur la biodiversité sur notre site, nous avons été, en quarante-huit heures, débordés par les réactions totalement irrationnelles et pour beaucoup incroyablement virulentes” raconte Julien Hoffmann, naturaliste et rédacteur en chef du site Défi écologique. Il y a un vrai clivage sur ce sujet.
L’Australie, elle, a dû prendre des mesures draconiennes et lancer une vaste opération d’extermination de 2 millions de chats errants en 2019, en utilisant des saucisses empoisonnées. En moyenne, chaque félin y tuerait 186 animaux par an, dévastant les espèces les plus fragiles. “Dans ce pays, relate Julien Hoffmann, la principale association de défense des animaux et de lutte contre la cruauté animale euthanasie elle-même plusieurs dizaines de milliers de chats et milite pour l’obligation légale de garder les chats en intérieur 24 heures sur 24 en plus de leur stérilisation”
A Canberra, tenir son chat en laisse est obligatoire, sous peine d’une amende de 300 dollars australiens (194 euros). Pour l’instant, c’est tabou en France. En Suisse, en Belgique, aux Etats-Unis, c’est une évidence qu’il ne faut pas laisser sortir les chats domestiques, soutient Eric Baratay, spécialiste de l’histoire des relations hommes-animaux. Les vétérinaires américains l’ont préconisé dès les années 2000 ; alors que, au même moment, les vétérinaires français assuraient que c’était mauvais pour eux, car cela contrariait leur instinct.
L’empreinte carbone du matou est par ailleurs considérable. Une étude publiée dans la revue scientifique PLOS One, en 2017, estime que tous les ans, rien qu’aux Etats-Unis, l’alimentation des chiens et des chats – estimés à 163 millions dans le pays – produit jusqu’à 64 millions de tonnes de dioxyde de carbone, soit l’équivalent du CO₂ émis par 13,6 millions de voitures pendant un an.
À eux seuls, les chats en France consommeraient annuellement plus de 200.000 tonnes de viande. Tous les végans et végétariens réunis (1,6 million) ne suffisent pas à économiser la viande que les chats consomment. Il est pas mignon mon gentil matou ?