Il y a de plus en plus de pression de la société et des parents, concernant la réussite scolaire. La pression monte dès l’école sur les jeunes pour qu’ils trouvent le plus tôt possible leur orientation. Mais exercer trop de pression peut paralyser certains ados. Une forte compétition peut nourrir certains adolescents et les pousser à devenir plus forts, mais chez d’autres, elle va les écraser et provoquer l’effet inverse.
Je me souviens d’une de mes étudiantes à l’Université que je trouvais triste et déprimée. “Mon père voulait que je fasse HEC, mais je n’y suis pas arrivée” me dit-elle.
Au Japon, des centaines de milliers de jeunes présentent un trouble appelé hikikomori. Ils restent dans leur chambre et n’en sortent que pour aller acheter à manger à un distributeur. Ils n’ont plus de contact avec leur famille et n’échangent avec leurs copains que par le biais des réseaux sociaux et des jeux vidéo en ligne. Ils peuvent rester isolés ainsi des années. Le problème est si considérable que les ministères de l’éducation nationale et de la santé japonais ont lancé des études et des prises en charge spéciales.
En France, nous voyons des jeunes qui restent chez eux en ne sachant pas trop pourquoi. Le plus souvent, il leur est trop difficile de construire le personnage de quelqu’un de fort et ils préfèrent se recroqueviller sur eux-mêmes. C’est leur façon de rejeter la compétition. Et la consommation de cannabis peut les amener à perdre encore plus pied.
Cette attitude vient en partie de la pression scolaire. Un jeune va à l’école pour apprendre, pour se former et bien sûr, avoir un métier, mais il y va aussi et avant tout, pour se construire. L’école ne doit donc pas générer de la peur, mais être un lieu où l’on se construit.
Avoir de bonnes notes est important, mais il n’est pas indispensable d’avoir 15 ou 17 sur 20 dans toutes les matières. On peut ne pas être excellent dans toutes les disciplines, car chacun a au moins un domaine où il va être bon. Cela peut être le sport, l’entreprise, les maths, le dessin, la danse, la chimie, la musique, le théâtre, les relations avec les autres…
Les jeunes s’adaptent bien aux situations nouvelles. Ce sont les adultes qui ont peur qu’ils ne s’adaptent pas. Les jeunes sont nés et grandissent dans ce monde et ils sont dans ce changement. Il suffit donc qu’ils suivent sans complexe le mouvement et que nous, les adultes, n’ayons pas trop peur pour eux.
Car se connaître à 16 ou 18 ans n’est pas facile. Les philosophes ont écrit des milliers de pages sur le sujet et les parents devraient en lire certaines. Montaigne, par exemple, se pose les mêmes questions que nous, et ses réponses sont applicables au XXI°siècle.
Une piste pour les jeunes est de s’ouvrir à quelqu’un en qui ils ont confiance. Se mettre au calme avec cette personne et lui dire qu’ils se posent des questions. Car il faut prendre le temps pour trouver sa voie. Aujourd’hui, tout va très vite. On échange très vite, on a toutes les informations en temps réel. Mais il est aussi utile de se poser et de discuter avec des gens en qui l’on a confiance.
Chacun peut faire le test : arrêtez-vous de faire quoi que ce soit pendant quinze secondes. Quinze secondes, ça ne paraît pas grand-chose mais vous verrez que c’est extraordinairement long. Vous constaterez que la vie devient très dense et cela vous permettra de comprendre et de réfléchir beaucoup plus vite que si vous étiez dans l’urgence en permanence. Le fait que la vie aille vite, c’est sympathique, on ne s’ennuie pas. Mais, souvent s’ennuyer permet d’avancer car cela force à se poser des questions .
Et il s’agit pour chacun, de se poser des questions concrètes : Quels seraient mes défis à moi ? Quelles sont les valeurs que je veux développer dans ma vie ? Pour quels objectifs ? Cela se résume souvent à trouver quelqu’un avec qui on veut passer sa vie, trouver un métier qui est faisable et dans lequel on va pouvoir s’épanouir. C’est déjà un grand défi que de réussir cela.
Surtout ne jamais oublier que ce qu’on appelle “le potentiel” (d’un enfant, d’un ado, d’un collaborateur) ce sont les envies accompagnées des capacités que l’on a pour les réaliser. “Le désir est l’essence de l’homme” disait Spinoza. Sans les envies, les capacités ne mènent pas à grand chose et sans les capacités, les envies ne mènent nulle part. Alors aidons nos ados à découvrir leurs envies profondes, sans trop de pression, et aidons-les ensuite à acquérir et renforcer les capacités correspondantes.