À la campagne on dit qu’un chat est un chat, pas un chien ni une chauve-souris, pour dire qu’il vaut mieux voir les choses comme elles sont, et pas comme on voudrait qu’elles soient.
Après le carnage chez Charlie, beaucoup de nos élites et de nos concitoyens toujours aussi bien pensants même après l’horreur, ont du mal à nommer les choses qu’ils ont vues. Parce qu’ils ont peur de se faire peur.
Dans son allocution pour bisounours, notre cher Président n’a pas évoqué une seule fois les mots islamisme et islamistes. Chut ! Cela pourrait faire peur, créer des amalgames, accentuer les clivages etc. etc.
Manque de lucidité car la meilleure manière de rassurer les Français c’est justement de dire les vraies choses de la vraie vie, pas d’une vie douce et rêvée à laquelle ils ne croient pas. On imagine ce qu’aurait dit Churchill…
Manque de lucidité encore, car ne pas parler d’islamisme aboutit exactement au contraire de ce que l’on recherche, en créant l’amalgame entre l’islamisme, qui est une idéologie mortifère de domination (djihad) et l’islam en général. Les musulmans modérés doivent apprécier. Et après on s’étonne qu’ils ne manifestent pas davantage leur réprobation.
Dans une chronique publiée dans Le Monde, Villepin (il bouge encore) propose de “Résister à l’esprit de guerre” ; Tiens donc, on ne serait pas en guerre ? Les tueurs armés d’armes de guerre et entraînés dans des pays qui prônent la guerre à outrance contre les chrétiens et les juifs et l’instauration du califat sur la terre entière, ne sont sans doute pas en guerre. Ni les djihadistes de Boko Haram qui au Nigéria, utilisent les petites filles comme esclaves sexuelles ou chair à canon, après avoir tué et brûlé tout ce qu’ils trouvent. Mais vous n’avez pas tout compris, je vais vous expliquer…
Villepin qui évoque “les leçons de l’histoire” a dû manquer un train, car résister à l’esprit de guerre, c’est exactement ce qu’avaient voulu faire Daladier et Chamberlain face à Hitler en septembre 1938 à Munich avec les résultats que l’on sait. Quant à Fabius (il bouge encore un peu) il déclare “Il faut d’abord avoir une réflexion sur les causes des attaques” ; On croit rêver. Chérie pince-moi plus fort !
Manque de lucidité (et de courage) surtout, car quand on n’appelle pas les choses par leurs noms, on s’empêche d’évaluer correctement les menaces et de s’y préparer efficacement. Par exemple, parler d’islamisme et de terroristes islamiques en France, permet de mieux comprendre pourquoi l’attaque de Charlie sera suivie de très nombreuses autres tentatives d’attaques et d’attentats meurtriers dans l’hexagone dans les mois qui viennent.
Pourquoi ? Parce que en se faisant tuer en France plutôt qu’en Irak, en Syrie ou en Libye, les “soldats de Dieu” gagnent deux fois : Une première fois quand ils montent en martyrs au paradis d’Allah, une deuxième fois en étant glorifiés par toutes les chaînes de télé et tous les journaux du monde entier. Mieux que de tomber dans le sable du désert.
Et pourquoi ne pas parler de guerre de religion¹, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. Mais chut… Cela pourrait terroriser les âmes sensibles et réactiver notre complexe de la faute² en réveillant les fantômes des protestants massacrés par les catholiques le 24 août 1572 (nuit de la Saint-Barthélemy, 2.500 morts)
Appeler les choses par leurs noms c’est aussi prendre ces terroristes pour ce qu’ils sont : des paumés et des déséquilibrés, sans repères, sans projet, sans horizon, qui se convertissent à l’islam faute de mieux. Ce sont des nihilistes qui veulent d’abord se suicider et cherchent un sens à leur mort. Ils ne connaissent rien à l’islam, sont incapables de lire le Coran et ignorent complètement la tradition musulmane. Mais c’est pour cela qu’ils sont dangereux.
La seule à avoir appelé les choses par leurs noms en parlant d’islamisme radical et de terroristes islamistes depuis 20 ans, a toujours été tante Marine. Et on s’étonne après, que le Front National gagne mois après mois toujours plus de voix.
Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde, disait Camus. On ne peut pas trouver après la tuerie de Charlie, de meilleure leçon. Camus avait tout compris en faisant de la lucidité la première des vertus. Albert je t’en prie, rentre à la maison dès que tu le pourras. On a besoin de toi !
¹ Le choc des civilisations, Samuel Huntington, 1996. ² La tyrannie de la pénitence, Pascal Brukner.
Appeler un chat un chat n’est plus très à la mode. Sans doute un besoin chronique de ménager la chèvre et le chou. Il est vrai qu’après trois décennies de permissivité, il est difficile de réutiliser le vocabulaire adéquat…