C’est le premier accident de chasse mortel de 2023. Un chasseur de 84 ans qui rangeait son arme dans sa voiture s’est tué, samedi 7 janvier, à Prunelli-di-Fiumorbo (Haute-Corse). Le même jour, au Mériot, dans l’Aube, un jeune homme a été grièvement blessé à la jambe lors d’une partie de chasse et un homme de 67 ans, le président de l’association de chasse locale, a été blessé au visage, à la main et à la cuisse lors d’un accident de chasse en forêt de Raze, en Haute-Saône. Sur la période 2021-2022, l’Office français de la biodiversité a recensé 90 accidents de chasse, dont huit mortels – deux concernant des non-chasseurs. En comparaison, en 2001-2002, on comptait 167 accidents et 31 décès.
Quelques heures avant l’hypothétique interdiction de la chasse le dimanche, l’incertitude demeure. Après avoir tergiversé sur l’opportunité d’un dimanche après-midi non chassé, voire d’un jour en semaine, l’exécutif semble toujours hésiter à prendre cette décision. S’il ne le faisait pas, cela témoignerait d’un mépris inqualifiable à l’égard des 78 % de Français réclamant un dimanche sans chasse. Le sondage Ifop réalisé en décembre à la demande de sept associations (LPO, FNE, Aspas, Humanité et Biodiversité, SNPN, SHF et SFEPM) en témoigne.
Ce rejet constituerait également une faute politique lourde. Les conflits entre chasseurs et randonneurs, cavaliers, vététistes ou promeneurs en famille ne cessent de s’intensifier. Il n’est plus acceptable de fermer les yeux sur une société qui évolue. Le partage de l’espace naturel s’impose de manière urgente, faute de quoi les conséquences pourraient se révéler plus graves encore.
D’autres pays, dont certains à forte tradition de chasse, ont fait le choix d’une cohabitation apaisée. Ainsi l’Angleterre, le pays de Galles, les Pays-Bas, la Suisse, l’Espagne, l’Italie ou encore le Portugal ont instauré un ou plusieurs jours sans chasse dans l’intérêt général. Par ailleurs, contrairement à ce qui est parfois colporté, ce ne sont pas les “bobos parisiens” qui craindraient pour leur sécurité mais bien les ruraux, qui restent les plus inquiets à 74 % (contre seulement 67 % pour les habitants de l’agglomération parisienne).
Face à ce constat, l’exécutif s’apprête à prendre des mesures dérisoires. Le contrôle d’alcoolémie, présenté comme une avancée admirable, ne relève que de l’élémentaire. Même un cycliste en état d’ébriété peut être sanctionné, il paraît évident qu’un porteur de fusil devait l’être également depuis longtemps.
Par ailleurs, l’idée d’une “application chasse” permettant d’identifier les zones dangereuses s’apparente à une tartufferie. Elle renverse les rôles, en signifiant que ce sont les promeneurs qui devraient être attentifs. Qu’adviendra-t-il en cas d’accident ? Le promeneur sera-t-il coupable de ne pas avoir utilisé l’application ?
Au-delà des relations humaines, le dossier intéresse également la nature. Une journée de “paix dans la jungle” ne serait pas un luxe lorsqu’on sait que la France chasse le plus grand nombre d’espèces d’oiseaux (64, contre une moyenne de 39 dans le reste de l’Europe). Elle se singularise également par les quelque 20 millions d’animaux élevés de manière souvent douteuse pour être relâchés dans la nature afin de mieux garnir les gibecières. Elle se distingue enfin par les 15 espèces d’oiseaux chassables bien que figurant sur la liste rouge de l’UICN.
La nature, elle aussi, aspire à la quiétude. Une chasse durable et responsable, ne s’exonérera pas d’un regard solidaire à l’égard des autres usagers de la nature. En repoussant l’échéance, l’exécutif se tire une balle dans le pied. Plus grave, il sera redevable des drames que pourrait générer des mauvaises habitudes.