Les mérites du théâtre

La Comédie-Française incarne le théâtre. Son répertoire, à la fois très large et fidèle à la grande tradition classique du théâtre français, explique l’identification très forte qui s’est établie entre l’institution et l’image de la France dans le monde.

Surtout l’éclat du Théâtre-Français tient à la qualité de sa troupe. Cette façon qu’ont les comédiens du Français de prononcer leur texte, d’articuler chaque syllabe, de rendre ce qu’ils disent clair, intelligible, élégant sans fioriture, tout relève de l’esprit français, tout y exprime l’art de la conversation, le souci de courtoisie, le respect dû à la langue, l’amour que l’on ressent pour elle.

Le théâtre devrait être obligatoire dans les écoles. Non pas comme alibi culturel ou comme sujet d’enseignement, non, mais pour sa pratique, comme élément central de l’éducation de l’élève et de sa construction.

Les mérites du théâtre sont à la fois immenses et innombrables. Il renforce le sens de la solidarité au sein de la troupe, celui du partage. Il permet d’affirmer la confiance en soi. Il oblige à acquérir une élocution de qualité et l’obligation, aussi, de respecter son interlocuteur. Il offre l’occasion d’un enrichissement émotionnel.

Incarner Antigone ou Oreste, Harpagon ou Bérénice, des personnages que traversent des émotions universelles, cela bouscule, ouvre des horizons, oblige à l’écoute et favorise la compréhension de l’autre.

Il y a plus. Le théâtre impose deux contraintes. D’abord, celle d’apprendre de beaux textes par cœur. Cela permet d’accéder à l’intimité de l’œuvre, à la vraie culture, celle qui est à nous pour toujours. Si Boèce, dans sa prison, a pu affronter la mort comme il l’a fait, c’est parce qu’il portait en lui les textes des Anciens. Dans une préface à La Consolation, Marc Fumaroli parle du par cœur : “les textes appris par cœur très tôt vont vivre en nous tout au long de notre existence, ils nous seront acquis, prêts à nous soutenir dans nos épreuves”

Autre immense mérite du théâtre, il oblige à vivre en harmonie avec le silence. À faire de lui un allié. À dompter les instants qui précèdent la réplique. À laisser s’installer ceux qui la suivent. Le silence est le résultat d’un approfondissement, d’une attention aiguë. Il y a sur ce plan un lien spirituel non pas entre l’acteur et la troupe, mais entre lui et la salle.

Elle l’écoute, le suit, l’approuve, elle s’en remet à lui, et par un retournement que seul le théâtre permet, voilà qu’elle devient responsabilité de l’acteur. Il en a la charge. Le théâtre le relie à la salle, aux autres, à tous les autres.

Enfin, le théâtre est une extraordinaire machine à métamorphoser les solitudes. Les enfants, les adolescents qui se sentent seuls, qui niera qu’ils sont nombreux ? Qu’ils ne se comptent plus ? Que ce sont les plus fragiles ? Les plus à risque de rupture sociale ? Leur solitude est toujours perçue comme honteuse, c’est ainsi. Elle les conduit à la détestation de soi, au malheur.

Voilà que, sur scène, l’enfant, l’adolescent voit soudain sa solitude se transformer. De honteuse, la voici glorieuse. On approuve l’enfant. On l’applaudit. Et sa vie s’embellit. Oui, le théâtre peut changer des vies.

D’après Metin Arditi, dictionnaire amoureux de l’Esprit français.
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