Bouger pour mieux penser

À chaque fois, au bout de quinze ou vingt minutes de course, j’ai l’impression d’y voir plus clair dans ma tête”, raconte cette amie qui fait du jogging trois fois par semaine. Au fil de sa séance surviennent, par exemple, de nouvelles idées de sujets, le début d’un article qui tardait à venir. Elle désamorce aussi des inquiétudes, en trouvant dans sa tête la bonne formule pour parler à quelqu’un, organiser quelque chose.

Fondue de course à pied, la jeune écrivaine Cécile Coulon a, elle, longuement décrit sur France Culture comment sa pratique l’aide à construire l’histoire, les personnages, le suspense de ses livres. Au fil des foulées et de la concentration qu’elles imposent, “tout ce qui est inutile quitte la pensée et intellectuellement, on s’affine en courant”

Ce constat que tête et jambes vont de pair ne date pas d’hier. “Au moment où mes jambes commencent à bouger, mes pensées commencent à couler, comme si j’avais donné de l’air au ruisseau à l’extrémité inférieure et qu’en conséquence de nouvelles fontaines s’y déversaient à l’extrémité supérieure”, théorisait le philosophe Henry David Thoreau, au milieu du 19°siècle. Son contemporain Friedrich Nietzsche, grand marcheur, est même allé jusqu’à prétendre que “seules les pensées qu’on a en marchant valent quelque chose”

Qu’en dit la science ? S’agissant de la pratique régulière d’une activité physique, ses multiples bénéfices pour le cerveau ont été bien documentés. Il est notamment démontré que bouger améliore les performances cognitives et protège des maladies neurodégénératives.

Les bienfaits d’une séance sur l’humeur et le niveau de stress, liés à la libération de neurotransmetteurs et d’endorphines, contribuent aussi à booster les performances cognitives.

Quid de l’effet d’une marche, d’un jogging ou d’un tour de vélo sur la créativité ? Si les témoignages sont légion, les études scientifiques sur le sujet sont plus rares, et pas toujours faciles à interpréter, ce paramètre étant plus subjectif que les fonctions cognitives. Dans un article de 2014 humoristiquement titré “Donnez des jambes à vos idées”, deux scientifiques américains de l’université de Stanford détaillent les résultats positifs de quatre expériences.

Dans différentes conditions de marche (sur tapis roulant, en extérieur…), les volontaires ont été soumis à des tests pour évaluer leur pensée convergente (capacité à trouver une réponse à un problème donné par un raisonnement logique) et divergente (processus permettant de trouver plusieurs réponses en produisant des idées créatives).

Conclusion des chercheurs : La marche favorise la libre circulation des idées et constitue une solution simple et robuste pour atteindre les objectifs d’augmentation de la créativité.

Il y a cent soixante-dix ans, Henry David Thoreau avait déjà compris beaucoup de choses…

D’après Sandrine Cabut, Le Monde octobre 2021
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