À la mort de Platon, des abeilles vinrent se poser sur ses lèvres car ses paroles étaient douces comme le miel, dit la légende. Dans notre vie moderne où tout va de plus en plus vite et où les rapports deviennent trop rationnels, il faut savoir mettre quand il le faut, du miel dans ses paroles, c’est à dire des mots qui décrivent des émotions.
Et ne pas faire comme l’introverti qui a peur d’exprimer ses émotions. Quand il exprime de l’amour, il craint de passer pour trop sentimental, quand il exprime de l’amitié, il craint de trop s’engager et quand il fait des compliments, il craint que cela soit pris pour de la flatterie. Bref, il craint que tout soit mal pris et se retourne contre lui. Donc il se tait ou reste dans le registre fade et ennuyant de la rationalité.
Il faut oser exprimer ce que l’on ressent, au moment où on le ressent. Rien ne fait davantage plaisir que d’entendre “J’aime ce que vous portez” “J’aime ce que vous faites” “Bravo !” “Je suis fier de vous” ; Dans beaucoup d’entreprises, les gens souffrent d’avoir des rapports trop froids, sans émotion.
Beaucoup de managers, beaucoup de profs, beaucoup de parents se comportent comme de vrais handicapés à ce sujet. Un jour, un manager d’une grande banque a osé me dire lors d’une soutenance universitaire “Faire des compliments, vous n’y pensez pas. Ce n’est pas professionnel !” Je lui ai répondu “Vous verrez, quand vous saurez vraiment ce que manager veut dire et quand vous aurez un peu de talent…”
Un soir, après un toast de compliments (tradition familiale) que j’avais porté à mon fils pour son anniversaire, nous avons entendu un de ses copains dire “J’aimerais bien que mon père me fasse des compliments…” ; J’ai compris à ce moment, pourquoi dans toutes les enquêtes, la majorité des ados se plaignent d’avoir des rapports trop distants et trop froids surtout avec leurs pères. Quant aux enfants, les compliments sont pour eux une seconde nourriture.
Alors prenons l’engagement en ce début d’année de faire au moins un compliment par jour, à son épouse, ou à ses enfants, ses amis, ses collaborateurs, ses étudiants, à la postière, au boulanger, à la caissière… Car les compliments font du bien aux autres en montrant l’attention que l’on a pour eux, et nous font du bien aussi, en nous décentrant de nous-mêmes et en ralentissant un peu le temps.
Rappelons-nous aussi que les compliments remplacent largement les discours fumeux sur le Care, l’optimisme et la pensée positive. Car nous connaissons tous des adeptes du Care, des optimistes et des esprits positifs qui ne font jamais de compliment. Au fond, faire des compliments sincères et mérités relève d’une authentique maîtrise de soi, puisqu’un compliment n’est autre que de la gentillesse maîtrisée.
Faire des compliments, c’est mettre dans ses paroles un peu de miel. Merci Platon ! Bonne et heureuse année pleine de beaux compliments !
Manifestez votre intérêt !
Henry Ranchon, en ce début d’année, nous fait une belle proposition que je résumerai ainsi : faites des compliments et on vous aimera. Superbe suggestion ! Admirable programme ! Délicieuses perspectives ! L’année 2011 démarre décidément sur de nouvelles bases. Ces petits compliments d’introduction cachent évidemment quelques réserves, que je vais, humblement tenter d’expliciter. Le texte du blog, joliment tourné et généreusement argumenté, m’est apparu à la lecture si simple que j’en ai instinctivement recherché les limites, très fâché de découvrir que j’avais négligemment laissé filer de belles occasions…
Le compliment est en effet une des armes les plus efficaces de l’échange émotionnel, mais il ne peut à lui seul établir, construire des relations harmonieuses et constructives. Très rapidement le compliment peut quitter l’aspect instinctif de la sincérité, pour devenir une arme stratégique, tactique, invasive ou défensive. La communication, pléthorique et délirante, abuse de nos émotions, rendant immédiatement suspecte leur finalité. Dans cette jungle ou les sollicitations émotionnelles nous submergent, je préférerais en revenir à de bons vieux principes rationnels. Quels principes ? Avant d’exprimer des émotions, plus ou moins circonstancielles, intéressons-nous, observons, questionnons, approfondissons et ensuite manifestons notre ressenti et nos émotions. Cessons enfin d’être superficiel, complaisant et béatement admiratifs de n’importe quoi.
Si vous dites à une dame : votre robe est très jolie ! Elle va prendre ce compliment non pour elle mais pour la robe et le compliment tombera à plat. Mais si vous lui dites : comment avez-vous fait pour dénicher cette belle robe qui vous va à ravir ? Là vous ouvrez le dialogue, vous pénétrez dans son univers, vous vous intéressez à elle, son goût attise votre curiosité, elle existe pour vous et elle va vous raconter. Vous allez apprendre et elle sera heureuse et en confiance.
Dans la vie professionnelle c’en est de même, nous obtenons la confiance de vos collaborateurs et de nos collègues en nous intéressant à ce qu’ils font. Cerise sur le gâteau nous apprenons d’eux et parfois, nous parvenons même à comprendre ce qu’ils font. Si, dans ce contexte, nous laissons aller nos émotions en nous émerveillant ou en complimentant, la sincérité en devient manifeste. Bien évidemment ce principe est transposable dans la vie de tous les jours comme dans la vie privée. Nos enfants ne nous écoutent pas, non parce que nous ne le complimentons pas, mais parce que nous oublions de nous intéresser à ce qu’ils font, nous nous contentons de juger. L’incompréhension n’est pas le fruit du manque d’expression de nos émotions, mais nous n’exprimons pas d’émotions car nous avons oublié d’essayer de comprendre.
Pour conclure le texte d’Henry suscite l’intérêt et c’est cela qui le rend beau et généreux. Mais il ne faut pas oublier que le compliment ne peut être apprécié que si sa sincérité est manifeste, en ce qui me concerne, elle l’est puisque le texte m’a fortement intéressé.
Jacques Fraysse
C’est vrai, on fait trop peu de compliments. Cependant, je m’en méfie toujours un peu. Est-ce que la personne qui les fait est sincère ? Est-ce qu’elle a juste envie de faire sa BA ? Comment le savoir ? Par contre, une personne qui fait un compliment avec ses « tripes », comme l’exprime Guy, ça change tout, ça donne du baume au cœur, et je suis preneuse. On peut y ajouter que les paroles sages tombent quelquefois dans l’oreille d’un sourd, mais un mot gentil n’est jamais perdu.
Très bonne année à tous.
Que cette chronique est douce à lire, meilleure que les fades voeux traditionnels que l’on échange pour respecter la tradition. C’est un miel qu’il convient d’apprécier car les abeilles qui le produisent sont de moins en moins nombreuses.
Au-delà de tes propos, Henri, une anecdote : Un essaim avait décidé de venir s’installer derrière un volet de notre maison du Lot, tout l’été nous avons été admiratifs de l’organisation et du travail de ces abeilles. A notre dernière visite en octobre l’essaim était désert. Après analyse des cadavres restants, l’essaim a été décimé selon toute vraisemblance par le varoa. Quel dommage !
Les meilleurs managers qui m’ont laissé un souvenir et qui méritaient le respect ont été ceux qui manageaient avec leurs “tripes”. Tu me pardonneras le terme mais je pense qu’il est le plus approprié.