La prouesse scientifique que constitue la mise au point, en un temps record, du premier vaccin contre le Covid-19 est le fruit de la mondialisation libérale.
La start-up allemande qui l’a présenté la première n’aurait pu ni le développer ni le tester aussi vite sans le capitalisme, sans le marché et sans Big Pharma : l’un de ses partenaires est l’américain Pfizer, l’autre est le chinois Fosun.
Tout dans cette histoire souligne le rôle clé de la libre circulation du savoir, des capitaux et des hommes pour repousser les limites du possible. Le vaccin est fondé sur les recherches d’une scientifique hongroise émigrée aux États-Unis. Il a été mis au point à Mayence par la PME allemande BioNTech, créée par deux médecins originaires de Turquie. Il a été testé simultanément aux États-Unis, en Chine, en Allemagne, au Brésil, en Argentine, en Afrique du Sud et en Turquie.
Il est produit en Belgique, en Allemagne et aux États-Unis grâce à la puissance de Pfizer, multinationale dirigée par un PDG qui incarne à lui seul l’aventure de la mondialisation contemporaine : Albert Bourla, vétérinaire grec né dans une famille juive en 1961 à Thessalonique, a vécu dans quatre pays et sept villes depuis qu’il a quitté la Grèce il y a un quart de siècle.
L’exploit accompli montre que la science, le progrès technique et même l’immigration ne sont pas le problème, mais la solution pour sortir de la pire crise de notre génération. Pourtant, combien n’a-t-on pas médit sur la mondialisation ! À gauche comme à droite, les politiciens et les commentateurs l’ont rendue responsable non seulement de la pandémie, mais aussi de la profonde récession qui l’a accompagnée. Ils ont mis à l’ordre du jour le retour des États, la restauration des frontières, l’interdiction de voyager, la relocalisation des chaînes de valeur. On allait voir ce qu’on allait voir.
On a vu. Les bureaucraties ont failli. Elles n’ont rien planifié en dépit des alertes récentes du Sras, d’Ebola ou de la grippe H1 N1. Elles n’ont pas fait de stocks de masques. Elles n’ont rien trouvé de mieux que de torpiller l’économie pour préserver la santé publique. Elles ont multiplié les mesures liberticides. Elles n’ont pas empêché la seconde vague de l’épidémie. Imagine-t-on où nous en serions si nous avions confié la recherche d’un vaccin aux États plutôt qu’aux entreprises privées ?
Si on avait écouté la droite nationaliste, BioNTech – entreprise fondée par un immigré et une fille d’immigrés venus de Turquie – n’aurait jamais vu le jour, et le patron de Pfizer serait toujours en Grèce. Si l’on avait suivi les écologistes décroissants, la technologie révolutionnaire du mRNA, fondée sur le génie génétique, n’aurait pas existé.
Si l’on avait obtempéré aux oukases antimondialisation des ténors de la gauche comme Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg, il n’y aurait pas de coopération internationale entre les entreprises pharmaceutiques, qui sont mues par l’excitation de la recherche scientifique mais aussi par la quête du profit.
Pfizer a pu se permettre d’investir 1,5 milliard de dollars dans un vaccin inédit parce qu’elle était une de ces multinationales honnies. Pour avancer plus vite, Albert Bourla a refusé toute aide de l’État américain. “Je voulais que nos scientifiques soient libérés de la bureaucratie”, a-t-il expliqué.
Une leçon à méditer. “Ce qui nous rend forts, a tweeté en Allemagne le député libéral Johannes Vogel, c’est d’être un pays d’immigration, une économie de marché et une société ouverte” ; BioNTech symbolise la vitalité du tissu des PME allemandes, qui profitent d’un environnement favorable à l’entrepreneuriat, d’une fiscalité qui respecte la production et de la présence de fortunes privées : elle a été créée grâce à l’argent apporté par deux riches entrepreneurs allemands.