“Je ne supporte pas d’attendre” dit cette femme d’une voix exaspérée, dans une boulangerie un matin de vacances, avant de tourner les talons et de sortir rageuse, sous le soleil d’été.
Nous voulons être satisfaits dans l’instant. La moindre attente devant les caisses, les guichets, dans les embouteillages, devant l’ordinateur qui ne démarre pas assez vite, pour quelque chose que l’on tarde à trouver… devient une source de frustration, d’énervement et de colère.
Les temps modernes et les nouvelles technologies sont des machines à fabriquer de l’impatience et nous devenons incapables d’affronter ce pour quoi nous ne sommes pas prêts.
Attendre est devenu un scandale insupportable. Et si attendre était au contraire un vrai luxe ? Car avais-je envie de dire à cette femme, pendant que vous attendez dans cette boulangerie, vous redevenez libre quelques instants et vous pourriez profiter du temps qui s’offre à vous pour faire beaucoup de choses. Quelques exercices d’inspiration-expiration, un peu de méditation, penser à un poème que vous lirez ce soir à votre petit-fils, réfléchir à des projets qui vous tiennent à cœur, relire mentalement un article qui vous a intéressée, penser à un cadeau…
Vous pourriez aussi profiter de cette attente pour réapprendre à être attentive à des détails que vous ne voyez plus dans cette boulangerie, comme sa décoration à l’ancienne, les odeurs de farine, la couleur du pain, le sourire de la boulangère, la voix du boulanger…
Car être plus attentive aux détails vous permettrait d’être plus attentionnée avec vos enfants, votre époux, votre petit-fils… quand vous le souhaiterez. Souvenez-vous qu’attention et attente sont indissociables. Car pour pouvoir être attentif aux autres il faut forcément attendre un peu.
Vous pourriez vous dire encore que l’attente permet de faire monter le désir, de lui donner de l’espace et de l’intensité. Attendre de déguster ce pain, vous le fera encore plus apprécier tout à l’heure. Et vous pourriez même, pendant que vous attendez, rencontrer un homme encore plus impatient que vous. Le bonheur ! “Le meilleur moment de l’amour disait Clemenceau c’est quand on monte l’escalier…”
Savoir attendre permet aussi de saisir le bon moment. Dans la Grèce antique, la patience était considérée comme la première des vertus, car elle permet d’attendre le moment opportun pour agir. Au point qu’ils avaient un Dieu pour cela, Kairos, un éphèbe aux épaules et aux talons ailés qui symbolisait la capacité à saisir le bon moment, ni trop tôt, ni trop tard. Et l’occasion de bien agir est souvent unique, car elle ne connaît pas de seconde fois.
Savoir attendre permet aussi d’être prudent. Pour Aristote, il faut du temps pour accéder à la prudence car elle est le fruit, non de l’enseignement mais de l’expérience “Ce savoir vécu plus qu’appris qui s’enracine dans l’existence de chacun et qu’il appartient donc à chacun de reconquérir pour soi-même” ; Comme la sagesse, la prudence participe des grandes vertus intellectuelles.
Sans compter que pour trouver un compromis et résoudre un conflit, il faut savoir patienter. La patience est l’antichambre de la négociation. Sans un minimum de patience, vous ne pourrez pas voyager bien loin. A Djakarta ou à New Delhi, prendre un trois roues exige de la négociation et donc de la patience.
Quant à un enfant, c’est l’impossibilité de satisfaire immédiatement ses désirs qu’il doit apprendre avant tout, afin de bien structurer son univers émotionnel et mental. C’est l’apprentissage essentiel qu’il doit faire très tôt. Il y a à ce sujet une expérience intéressante.
On offre un bonbon à de jeunes enfants et on leur en promet un autre, s’ils attendent un quart d’heure avant de manger le premier. Ceux qui sont capables d’attendre ont une meilleure estime d’eux-mêmes et réussissent mieux, en classe et professionnellement.
Il faut réapprendre à patienter et nous exercer à la patience. Non pas une patience résignée et passive, mais une patience positive et constructive ; “Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose sous le ciel, disait l’Ecclésiaste. Un temps pour semer et un temps pour récolter, un temps pour parler et un temps pour se taire, un temps pour agir et un temps pour se préparer à agir”
Je lis l’article sur la patience au 5 fois par jour tellement je me sens à la fois concernée et captivée d’une part, ressourcée d’autre part !!
Il y a 1 an c’est mon impatience qui a causé ma perte en perdant l’homme que j’aimais.
Pourtant des personnes de mon entourage m’avaient conseillé à maintes reprises de patienter, qu’avec la patience et le temps tout peut rentrer dans l’ordre, tout s’arrange tout est possible etc… Mais on avait beau me le répéter, je me suis précipitée et j’ai essayé de mettre de nouveau fin à mes jours (en vain, j’ai une âme plus ou moins têtue) après m’être rendu compte que j’avais définitivement tout gâché. Aujourd’hui encore je ne me pardonne pas cette échec.
Quand je lis cet article je prend conscience que mon incapacité à savoir patienter vient de très loin et est due à mon éducation. Mon papa m’a énormément gâtée durant mon enfance, tout ce qui me passait par la tête je l’obtenais de suite, je suis la seul fille cela explique son attention excessive, il me chouchoutait énormément. J’en souffre beaucoup surtout face aux épreuves de la vie.
Je fais un énorme travail sur moi et j’espère qu’avec le temps ce ne sera qu’un souvenir lointain, mais il n’est jamais trop tard pour changer afin de pouvoir affronter les épreuves futures. Quoi qu’il en soit, ce qui est sûr, c’est que je tâcherai d’inculquer cela à mes enfants et ce dès leur plus jeune âge (super l’astuce des bonbons ça parait anodin mais je suis sûre que cet exercice a déjà fait ses preuves) à chaque fois que j’ai échoué, c’était dû à mon impatience et a fortiori j’en déduis que la patience est la clé de la réussite, c’est le constat de ce que j’aurai appris de mon vécu. Cet article m’a beaucoup inspiré, c’est un combat de tous les jours, mais je me dis que j’y arriverai !
Une lecture pour compléter cet excellent article : “l’éloge de la lenteur” de Carl Honoré.
Tout arrive à qui sait attendre. La patience est une forme de sagesse.