Sept Français sur dix (enquête Viavoice, 2014) estiment que la France et ses habitants vivent une “dépression collective” qui découle davantage d’une perte identitaire que de difficultés individuelles ou de contraintes économiques et sociales.
Pour Samuel Huntington (Le choc des civilisations, USA, 1996), les conflits du futur seront des conflits civilisationnels et identitaires parce que, dans un monde en crise, les affinités ethniques, religieuses et culturelles compteront de plus en plus : “Les identités culturelles qui sont des identités de civilisation, déterminent les structures de cohésion, de désintégration et de conflits dans le monde” écrivait Huntington.
Vingt ans après sa parution, le livre d’Huntington (qu’elle n’a pas lu) est toujours rejeté et honni par une gauche bien-pensante et humanitariste, coupée d’une réalité qu’elle ne comprend pas et dont l’essentiel lui échappe. Lisons ce qu’écrit Kamel Daoud écrivain algérien vivant à Oran, à propos de la nuit de la Saint-Sylvestre 2015 à Cologne (359 agressions sexuelles) ; Lui au moins, sait de quoi il parle.
“Le réfugié vient d’un piège culturel que résume surtout son rapport à Dieu et à la femme. Sa culture est ce qui lui reste face au déracinement et au choc des nouvelles terres. Le rapport à la femme, fondamental pour la modernité de l’Occident, lui restera incompréhensible pendant longtemps. Le réfugié vient de ce vaste univers douloureux et affreux que sont la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir. Accueillir le réfugié n’est pas le guérir”
“Le rapport à la femme est le nœud gordien, le second dans le monde d’Allah. La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée. Cela dénote un rapport trouble à l’imaginaire, au désir de vivre, à la création et à la liberté. La femme est le reflet de la vie que l’on ne veut pas admettre. Elle est l’incarnation du désir nécessaire et est donc coupable d’un crime affreux : la vie”
“C’est une conviction partagée qui devient très visible chez l’islamiste. L’islamiste n’aime pas la vie. Pour lui, il s’agit d’une perte de temps avant l’éternité, d’une tentation, d’une fécondation inutile, d’un éloignement de Dieu et du ciel, et d’un retard sur le rendez-vous de l’éternité. La vie est le produit d’une désobéissance et cette désobéissance est le produit d’une femme”
“L’islamiste en veut à celle qui donne la vie, perpétue l’épreuve, qui l’a éloigné du paradis par un murmure malsain et qui incarne la distance entre lui et Dieu. La femme étant donneuse de vie et la vie étant perte de temps, la femme devient la perte de l’âme. L’islamiste est angoissé par la femme, parce qu’elle lui rappelle son corps à elle et son corps à lui”
“Le corps de la femme est le lieu public de la culture : il appartient à tous, pas à elle. À qui appartient le corps d’une femme ? À sa nation, sa famille, son mari, son frère aîné, son quartier, les enfants de son quartier, son père et à l’État, la rue, ses ancêtres, sa culture nationale, ses interdits. À tous et à tout le monde, sauf à elle-même”
“Le corps de la femme est le lieu où elle perd sa possession et son identité. Dans son corps, la femme erre en invitée, soumise à la loi qui la possède et la dépossède d’elle-même, gardienne des valeurs des autres que les autres ne veulent pas endosser. Le corps de la femme est son fardeau qu’elle porte sur son dos. Elle doit y défendre les frontières de tous, sauf les siennes. Elle joue l’honneur de tous, sauf le sien qui n’est pas à elle. Elle l’emporte donc comme un vêtement de tous, qui lui interdit d’être nue parce que cela suppose la mise à nu de l’autre et de son regard”
“Une femme est femme pour tous, sauf pour elle-même. Son corps est un bien vacant pour tous. Elle erre comme dans un bien d’autrui, un mal à elle seule. Elle ne peut pas y toucher sans se dévoiler, ni l’aimer sans passer par tous les autres de son monde, ni le partager sans l’émietter entre dix mille lois. Quand elle le dénude, elle expose le reste du monde et se retrouve attaquée, parce qu’elle a mis à nu le monde. Elle est enjeu, mais sans elle ; sacralité, mais sans respect de sa personne ; honneur pour tous, sauf le sien ; désir de tous, mais sans désir à elle”
“Le corps de la femme est vu, non comme le lieu même de la liberté essentielle comme valeur en Occident, mais comme une décadence : on veut alors le réduire à la possession, ou au crime à voiler. À Cologne, l’Occident réagit parce qu’on a touché à l’essence de sa modernité, là où l’agresseur n’a vu qu’un divertissement, un excès d’une nuit de fête et d’alcool”
“Le sexe est la plus grande misère dans le monde d’Allah. À tel point qu’il a donné naissance à ce porno-islamisme dont font discours les prêcheurs islamistes pour recruter leurs fidèles : descriptions d’un paradis plus proche du bordel que de la récompense pour gens pieux, fantasme des 72 vierges pour les kamikazes, chasse aux corps dans les espaces publics, puritanisme des dictatures, voile et burka. L’islamisme est un attentat contre le désir”
C’est un véritable réquisitoire auquel se livre Kamel Daoud. Si l’on cautionne ses affirmations, cela signifie des lendemains particulièrement difficiles en Occident et déjà la fin de ce que beaucoup de politiciens consensuels se plaisent à appeler le “vivre ensemble”