Confier des tâches domestiques aux enfants

corvéesSur des vidéos tournées en Californie, des pères défont les lacets de leur fils de 8 ans, font le lit de leur fille de 10 ans, tout en se plaignant que leurs collections de doudous et leurs décisions de s’installer sur les lits supérieurs leur rendent la tâche plus difficile.

Des mères préparent les sandwichs de leurs enfants, s’assurent qu’ils les emportent bien à l’école, et insistent pour que leurs bambins n’oublient surtout pas de les manger. C’est la seule responsabilité qui incombe encore à ces chers petits, mais pour combien de temps encore…

Au sein des 30 familles californiennes observées, aucun enfant ne se charge naturellement de tâches domestiques sans qu’on le lui demande, comme par exemple sortir la poubelle, mettre la table, ou même s’habiller. Les parents proposent d’en faire la moitié et l’enfant accepte de faire l’autre moitié. Et quand c’est fait, les parents félicitent leurs enfants !

Aux États-Unis, 80% des adultes se souviennent d’avoir été chargés de tâches domestiques, mais seulement 30% le demandent aujourd’hui à leurs enfants (Braun Research, 2014) ; Dans les foyers européens, le constat est identique : en France, les jeunes de 11 à 25 ans qui vivent chez leurs parents en font peu, 8 heures par semaine, soit trois fois moins que leurs parents (Insee, 2010)

Comment comprendre cette contradiction entre d’une part le souhait affirmé des parents de rendre leurs enfants autonomes et d’autre part, la réalité qui est de leur éviter toute “corvée” ?

La première raison est que la distance avec le monde du travail est devenue un marqueur de société et de modernité. Les enfants occidentaux sont protégés du besoin de travailler. Ils n’ont pas de “corvée” à réaliser, et même la maintenance de leur espace domestique leur a été retirée.

La deuxième raison est que cela va plus vite pour un parent de faire soi-même, plutôt que de convaincre un enfant de le faire, quand il est encore endormi le matin ou affalé sur le canapé le soir. Il faut du temps à un enfant pour s’habiller seul le matin ou participer à la préparation du repas, le temps qu’il se trompe. C’est tout le paradoxe. Ce sont les parents les plus débordés, qui auraient le plus besoin d’un coup de main, qui en rajoutent encore en faisant les choses à la place de leurs petits.

Mais confier à de jeunes enfants des tâches légères qui ne demandent ni beaucoup de temps ni beaucoup d’efforts, comme mettre la table, débarrasser son assiette, ranger sa chambre, arroser les plantes, nourrir le chat, sortir le chien ou la poubelle… est très formateur car on donne alors l’occasion aux enfants de faire des erreurs, d’apprendre de leurs erreurs, de corriger ces erreurs et ainsi de prendre confiance en eux.

Cette participation développe aussi l’empathie, puisque l’enfant est plus attentif à ce que font les autres, car il doit observer les autres faire, avant de faire lui-même.

A l’école, c’est exactement pareil. Confier des responsabilités dans une classe à la rentrée “tailleur de crayons, rangeur d’étagères, responsable de la porte, compteur de ceux qui mangent à la cantine, arroseur de plantes…” est l’occasion pour les enfants de faire un apprentissage à la fois technique et social, car l’enfant devient responsable d’une tâche aux yeux des autres enfants. C’est long au départ, on rame jusqu’aux vacances d’automne. Mais après, les habitudes sont prises et c’est tout bénéfice pour tous : l’enfant, le groupe, la maîtresse, l’école…

Selon les chercheurs, davantage que leur mode d’éducation ou leur QI, la participation des enfants à des tâches domestiques légères à l’âge de 3 ou 4 ans, s’avère être le critère le plus pertinent pour déterminer leur réussite future, définie par de meilleures relations avec les proches, de meilleurs résultats scolaires et… l’indépendance économique.

Pour y parvenir, les parents efficaces (bons managers) veilleront à : valoriser la tâche (le chat c’est important), l’expliquer en détail (bien nourrir le chat c’est important parce que…) et faire progresser l’enfant en l’empêchant de tomber dans la routine (tu pourrais mieux nourrir le chat en…)

D’après Guillemette Faure (le Monde 20 avril 2015) et les pédagogies Freinet et Montessori.
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