Contrairement à la biologie, en politique c’est la froideur qui semble avoir le plus grand potentiel érotique. Signe de maîtrise, menace feutrée par l’intelligence, calcul et autorité reptiliens. Et dans les imaginaires du moment, aujourd’hui, c’est Vladimir Poutine qui semble avoir le plus haut attrait érotique sur les foules du Sud et les désorientés du reste du monde, même au cœur des démocraties qui doutent.
On ne tarit pas d’éloges sur le tsar au point de rendre secondaires les effets de la guerre qu’il mène contre un pays souverain, l’Ukraine. Envahir un pays ? C’est juste une façon naturelle de se nourrir et se défendre, veut-on expliquer. “Un génie !” s’écrie Trump à propos du maître du Kremlin. “Un homme qui leur tient tête !” hurlent les foules du sud du monde, faisant référence aux Occidentaux.
L’homme de glace, sans frasques amoureuses dans son CV, cultivant le mythe de sa puissance dans une scénographie extrêmement étudiée du corps, a réussi à séduire des peuples entiers. On évoque le dictateur comme un corps amoureux et la dictature comme un grain de beauté, on rêve de définir la démocratie comme une prostitution et la force virile comme une vertu.
Étrange mais si vieille loi de la séduction : pour certains, vu de loin, Poutine est l’homme qu’il faut dans un monde qui va mal : autoritaire, peu bavard – donc très efficace -, tacticien et peu soucieux des lois – donc fort -, assassin et donc économe en moyens. De quoi rassurer l’âme de certains, nourrir le fantasme de la réparation chez d’autres, faire frémir le désœuvré international.
Poutine est l’homme parfait : c’est le grand restaurateur de la puissance de la Russie et, partout dans le monde, les vaincus ou les oisifs ne rêvent que de cela, recouvrer une grandeur d’autrefois, réparer une humiliation causée par l’Histoire ou la colonisation, venger le temps et se venger de l’Occident. Poutine offre tout cela et a donc presque un parfum de résurrection. N’a-t-il pas trouvé une Russie à genoux pour en faire une puissance aujourd’hui ? La puissance ! C’est justement le rêve politique le plus érotique qui soit.
Poutine est donc le rêve du citoyen paresseux, du populiste mal assouvi, du faible, du vaincu, du frustré par les siens ou sa nation, du rancunier au nom de l’Histoire ou de l’agacé par les faiblesses des démocraties électives. C’est aussi un président sportif, un “tueur”, comme on aime le qualifier avec le frisson que provoque la redécouverte de la hiérarchie animale.
Mais la fascination gagne aussi les aigris en Occident. L’homme ensorcelle ; à défaut de l’épouser, on épouse ses causes, et il le sait. Conclusion ? Il existe peut-être une libido politique dont certains chefs d’État usent alors que d’autres souffrent de ne l’avoir jamais provoquée dans le corps d’autrui.