La violence se porte bien en France, c’est même un des rares secteurs d’activité en croissance, notamment chez les jeunes.
8 janvier 2010 : un élève de 18 ans meurt poignardé dans un couloir de lycée, 2 février : un élève de 14 ans est passé à tabac par 7 personnes à l’intérieur d’un lycée, 11 février : un élève de 12 ans est roué de coups à la sortie de son collège, 16 février : un élève est agressé au cutter par 6 personnes pendant un cours de gymnastique, 28 avril : Un professeur est poignardé par un (bon) élève de 4° pour des remontrances à propos d’un cahier mal tenu, 31 décembre : Un DJ est tabassé à mort par des jeunes à qui il avait refusé l’entrée dans une soirée privée.
Et cette violence est de plus en plus collective. Il y a à peu près le même pourcentage d’enfants rackettés, mais désormais on se met à 4 ou 5 pour racketter. Même les filles s’y mettent. De nombreux témoignages décrivent une montée de plus en plus précoce et de plus en plus forte de la violence chez les enfants de maternelle.
Les médias sont à la fois un reflet et une cause de cette montée de la violence. Certains chroniqueurs (les “snipers”) ont pour mission d’être méchants. Il faut humilier, il faut cogner toujours plus fort. De nouveaux mots fleurissent comme “débunking” (entreprise de dénigrement) et “bashing” (dénigrement systématique) ; D’où un déferlement de la dérision, du sarcasme, du dénigrement et de la méchanceté, à la télévision, dans les journaux et sur la Toile.
Face à cette montée de la violence, il y a les optimistes qui ne veulent pas se faire peur. Pour eux rien ne prouve qu’il y ait une augmentation de la violence. Cela ne serait qu’une invention des médias et un prétexte à une politique toujours plus sécuritaire. Ils ne veulent pas “jeter de l’huile sur le feu” et utilisent des mots feutrés “Une histoire de gamins qu’il faut protéger” (pour une bande cagoulée armée de barres de fer), “des jeunes à civilité réduite” (pour des voyous), “l’affaire” (pour un mort) est née d’une “absence d’entente” etc. Des malcomprenants… comme disait Coluche.
Tout près d’eux, il y a ceux qui pensent que la violence, notamment dans les écoles, vient d’un manque de moyens et d’éducateurs. On veut des pions ! Et on compte sur eux pour mater les caïds, terrasser les as du couteau, neutraliser les petites frappes, convaincre les gentils élèves de ne pas traiter la jeune prof de pute et faire en sorte qu’elle ne subisse pas un viol collectif. Mais il faudra d’abord les entraîner au judo, à la boxe thai, au full contact, au karaté et au krav-maga…
Et il y a les lucides, ceux qui n’ont pas peur de voir la réalité en face. Pour eux il y a des raisons de fond à la montée de la violence. Les gens n’ont plus le temps de réfléchir et sont dans l’émotion permanente. Ils fondent de plus en plus leur attitude, sur des impressions et des ressentis. Certains jeunes voient des affronts partout. Ils interprètent les actes les plus anodins comme des agressions, par exemple quand on les bouscule par inadvertance ou qu’on les regarde.
Ils présument la malveillance parce qu’ils partent du principe que les autres sont hostiles et dès qu’ils perçoivent une menace, ils attaquent sans réfléchir. Et plus ils se comportent ainsi, plus l’agression devient chez eux un réflexe. Leur répertoire de réactions alternatives (plaisanter, hausser les épaules, demander de faire attention…) devient de plus en plus pauvre.
Ces postures sont renforcées par Internet, car les sites entraînent une radicalisation des attitudes. Les jeunes s’enferment dans leurs certitudes et perdent peu à peu l’habitude de l’information contradictoire. Tout ce qui ne rentre pas dans leur grille de pensée traduit selon eux, de l’hostilité et ils deviennent complètement paranos. Un journaliste économique du Monde est traité par courriel (anonyme), de “salope d’ultralibérale” et de “facho immonde”…
Les plus lucides savent aussi qu’il y a une escalade et une surenchère dans la violence, car on est tenté d’aller toujours plus loin dans les pensées, les mots, les gestes qui font mal. Cela peut être le cas en bande, mais aussi en couple, en famille, en entreprise.
Il faut se préparer à cette montée de la violence, en se souvenant de ce qu’a écrit Soljenitsyne dans l’Archipel du Goulag “L’homme qui n’est pas intérieurement préparé à la violence est toujours plus faible que celui qui lui fait violence”
Un article plein de honte
Mademoiselle ou Monsieur : Je ne sais pas qui vous êtes (appelons cela “le courage du clic anonyme”), probablement un de mes étudiants, puisque vous évoquez dans un autre commentaire des “sales notes”, mais je tiens à vous remercier car vous êtes l’illustration vivante de cette chronique : Vous êtes dans l’émotion (“un article plein de honte”), vous ne faites aucun effort pour rationnaliser et réfléchir, vous ne savez pas argumenter à partir des faits (où sont les faits et vos arguments ?), vous radicalisez votre position en refusant l’échange et la discussion contradictoire (où sont les questions que vous posez et que vous vous posez ?) ; Conséquences : vous ne maîtrisez pas le sens des mots (honte = déshonneur humiliant) et surtout vous communiquez de moins en moins bien avec les autres, en dehors du cercle étroit de ceux qui sont comme exactement comme vous. Un grand merci !